À Metz, un nouvel accueil pour se reconstruire
À Metz, l'accueil de jour Jean-Rodhain du Secours Catholique est ouvert aux personnes isolées, en situation de précarité ou vivant à la rue. Ce lieu leur permet de reprendre des forces, mais aussi de se reconstruire en proposant leur aide en tant que bénévole.
Pascal, bénévole de 63 ans, presse le pas. En cette heure matinale, il est chargé d’accueillir les premiers arrivants à l’accueil de jour. Une dizaine de personnes sont déjà présentes. D’un tour de clé, il leur ouvre la porte d’une salle située dans le fond de la cour et y installe un grand percolateur. « La plupart ont passé la nuit dehors, indique Pascal. Je sais que ce premier café leur fait du bien. » Peu à peu, les visages fatigués s’éclairent de quelques sourires discrets.
Le réfectoire vient d’ouvrir ses portes pour le petit déjeuner. Quelques accueillis forment une file pour récupérer leur plateau avant de se servir en pain, café, confiture… « Je viens tous les jours », témoigne Kiffer, 71 ans. Cet ancien agent de propreté de la ville ne touche qu’une petite pension de retraite, alors venir à l’accueil, « ça dépanne car on mange bien. » L’endroit a aussi permis à Kiffer de faire des rencontres et de sortir de son isolement. « Je vis seul mais, ici, je vois du monde avec qui je joue aux cartes, au baby-foot… Je commence à tous les connaître et ça me rend heureux ! »
L’accueil de jour est installé dans une ancienne école primaire catholique située dans le centre-ville. Entre 50 et 80 personnes le fréquentent chaque jour. Spacieux, l’accueil comprend un réfectoire, des douches, une laverie ainsi que des salles de classes réaménagées pour accueillir des ateliers de peinture, d’écriture, de cinéma… « Le but est de proposer un lieu où les personnes peuvent prendre le temps de se poser mais aussi de créer du lien », explique Aurélie Legougne, animatrice. Dans une des salles donnant sur la cour, l’atelier jeux bat son plein. Après une partie déchainée de baby-foot, place au Scrabble !
Dans une salle voisine aménagée en espace d’accompagnement, les accueillis peuvent trouver des ordinateurs en accès libre, ainsi que des conseils pour leurs démarches administratives ou leurs recherches d’emploi. Ce matin, Émir a sollicité l’aide de Corine, bénévole, pour écrire une lettre de motivation et chercher un nouveau logement. Réfugié politique, le jeune homme a quitté la Serbie, son pays natal, il y a dix ans. Là-bas, il était persécuté en raison de son orientation sexuelle. « Je suis bien mieux en France », confie-t-il. Électricien de formation, il cherche activement du travail « pour ne pas rester sans rien faire. »
La majorité des bénévoles présents sont aussi des accueillis. À l’image de Jamel, travailleur handicapé de 57 ans, qui vient balayer la cour deux fois par semaine. « J’aime travailler ici, cela m’occupe », confie-t-il. À côté du réfectoire, Richard, 55 ans, fabrique une étagère pour la cuisine de l’accueil. « Quand je viens ici, je fais des petites réparations et du bricolage », témoigne cet ancien ouvrier du bâtiment, qui vit actuellement à la rue. « Cela me permet de travailler et d’avoir de la reconnaissance, confie-t-il. C’est gratifiant. »
C’est l’heure du déjeuner. Le prix du repas est de 2 euros par personne, mais les accueillis qui s’impliquent en tant que bénévoles ne paient rien. Au menu du jour : escalope de poulet, légumes à la vapeur, tarte aux pommes. « Chaque matin, un bénévole part chercher les invendus du supermarché voisin ou de la Banque alimentaire, explique Aurélie Legougne. Tous les produits sont frais et les recettes sont faites maison et sur place ! »
En cuisine, on s’active. Certains épluchent les légumes, d’autres s’occupent de la vaisselle... En tout, une dizaine de personnes préparent les 60 repas du jour. Parmi elles, Didier, la cinquantaine, surveille la cuisson de la viande tout en éminçant des champignons. Aujourd’hui, c’est lui le chef. « Cela fait 19 ans que je cuisine ici », indique-t-il. Didier a connu le Secours Catholique après la perte de son emploi dans la restauration. « J’ai d’abord été accueilli, puis je suis resté en tant que cuisinier, explique-t-il. Depuis, je me suis fait beaucoup d’amis. C’est inexplicable ce que je ressens ici. »
Une dizaine de personnes sont réunis pour une séance d’art-thérapie proposée par l’association Médecins du Monde. Les participants sont invités à dessiner un endroit où ils se sentent bien. Tout en crayonnant, certains évoquent leurs souvenirs et leurs peines auprès des bénévoles. Lionel, 45 ans, peint un hamac face à une mer bleue. Cet homme volubile et souriant vient à l’accueil depuis deux ans. « J’ai découvert le lieu à une époque où j’avais un mode de vie dissolu avec beaucoup d’excès », confie-t-il. Depuis avril dernier, il vient donner son aide trois fois par semaine à l’accueil du matin. « Ici j’ai repris confiance : cela m’a redonné goût à la vie car j’ai vu que je pouvais être utile. »